Une contribution modérée des biocarburants à l'indépendance énergétique
Le bilan énergétique des biocarburants est positif, c'est-à-dire que
les biocarburants fournissent plus d' "équivalent pétrole"
qu'ils n'en consomment tout au long de la chaîne de production, de la
culture à la transformation de la matière végétale. Cependant, les
économies de pétrole (entre 1,5 et 2 Mtep (1)) réalisées en
utilisant les quantités de biocarburants prévues dans le scénario
2010 sont modestes par rapport à la consommation totale de pétrole de
la France (92,8 Mtep en 2004).
Un risque de concurrence avec les productions alimentaires...
A l'origine, en France, la culture dédiée aux biocarburants permettait
de valoriser les terres mises en jachère en 1993 pour maîtriser
l'offre alimentaire. Le colza était privilégié car il permettait de
cultiver le maximum de surface en jachère pour un montant d'aide
publique donné, en raison de sa faible production par hectare. Dans
l'objectif fixé en 2010, l'ester dérivé du colza est toujours le
biocarburant privilégié (27,5 millions d'hectolitres prévus), par
rapport à l'éthanol dérivé du blé ou de la betterave à sucre (9,3
millions d'hectolitres prévus). Ce choix s'explique, outre par la
volonté historique de valoriser les jachères, par les structures de
raffinage et par la prédominance du gazole dans le parc automobile français.
Dans l'objectif 2010, les surfaces de colza dédiées à la production
de biocarburants devront être multipliées au moins par 6. Le modèle développé
par l'INRA permet de calculer qu'il y aura compétition entre les
cultures alimentaires et "énergétiques" dès 2006 et ce,
avant même que toutes les surfaces de jachère soient réquisitionnées.
En effet, la totalité de la surface de jachère ne peut être consacrée
à la production de colza énergétique pour plusieurs raisons : le
colza doit être utilisé en rotation, 30% des jachères sont
inexploitables car en pente ou éloignées des exploitations, 34% des
producteurs n'ont pas d'expérience en matière de colza.
Dans cette compétition, le colza énergétique pourra être favorisé
par l'aide publique de 45 euros accordés par hectare de terre convertie
des cultures alimentaires aux cultures énergétiques (dans la limite de
1,5 million d'hectares pour l'Europe).
...avec des conséquences sur les revenus des agriculteurs
Il est plus intéressant pour les agriculteurs d'utiliser les jachères
pour réaliser les cultures énergétiques (blé ou colza) que de
convertir des terres dédiées aux productions alimentaires. Dans le
premier cas, ils augmentent leurs revenus de 200 à 300 euros par
hectare, dans le second cas, seulement de 45 euros par hectare (l'aide
publique aux cultures énergétiques).
Les biocarburants non compétitifs pour un cours du pétrole à 65
dollars par baril (2) (montant estimé en 2010)
Produire des biocarburants coûte cher : les biocarburants ne sont
rentables face au pétrole que si celui-ci a un cours très élevé (au
moins 70-80 dollars/baril), ce qui n'est pas le cas actuellement, ni
sans doute en 2010. Le coût des biocarburants est calculé en tenant
compte des coûts de la culture, des coûts de collecte et de
transformation, dont on soustrait les recettes des co-produits
(tourteaux de colza, drèches de blé). Pour les rendre compétitifs
face au pétrole, les biocarburants bénéficient d'une exonération
partielle de la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers).
Cependant, cette exonération calculée pour permettre aux biocarburants
d'être rentables quand le prix du pétrole était de 15 à 20
dollars/baril est actuellement plus élevée que nécessaire. Les
producteurs agricoles risquent de peu profiter de cette exonération
sauf, indirectement, si la demande en biocarburant s'ajoutant à la
demande alimentaire provoque une hausse des prix agricoles.
Des bénéfices macroéconomiques ténus et dépendants étroitement du
prix du pétrole
Dans un modèle de calcul global tenant compte des dépenses de l'Etat
(soutien aux cultures, exonération de la TIPP), du PIB de l'industrie
des biocarburants et du gain de revenu des agriculteurs, le bilan coûts-avantages
de la filière calculé pour 2010, avec un prix du pétrole estimé à
65 dollars/baril, est proche de zéro. Si l'on tient compte de la valeur
monétaire attribuée aux réductions des émissions de CO2
(20 euros/tonne CO2), le bilan devient légèrement positif.
Cependant, cette valeur qui représente actuellement le bénéfice
environnemental des biocarburants pourrait être plus élevée si l'on
savait chiffrer les dommages réels des gaz à effet de serre.
Compte tenu de cette analyse, les biocarburants de première génération
ont apporté depuis 1993, année de leur lancement, un soutien à
l'agriculture et à l'agro-industrie avant d'être une alternative énergétique
immédiatement rentable pour la collectivité. Pour qu'il en soit ainsi,
il faudrait que le prix du pétrole se situe durablement au dessus de 60
et 65 dollars/baril. Grâce à l'effort de recherche entrepris, les
biocarburants de seconde génération, obtenus à partir des co-produits
des cultures (paille de blé) ou des filières bois (produits d'élagage,
sciures) puis à partir de cultures dédiées (miscanthus, triticale,
taillis à courte rotation) devraient fournir une biomasse plus rentable
convertible en biocarburants d'ici 10 à 15 ans.
(1) Mtep : million de tonnes équivalent pétrole
(2) 1€=1,2 dollar
En France, les principaux biocarburants développés sont :
- l'ester de colza : EMVH, obtenu à partir d'huile de colza mélangée
à une faible quantité de méthanol. Il est incorporé au
gazole.
- l'éthanol de blé ou de betterave à sucre. En ajoutant de l'isobutène
en proportions 50/50, on obtient l'ETBE, qui est incorporé à
l'essence.
Dans le monde, le biocarburant principal est l'éthanol,
majoritairement produit au Brésil à partir de canne à sucre
et aux USA à partir de maïs. L'huile de palme (culture 4 fois
plus productive à l'ha que le colza) pourrait se positionner
rapidement sur le marché des biocarburants.
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